Le jour du Jugement - Acte I

Sergio
30 mars 2020
2 min de lecture

L'Atelier de Courbet.

ree — L’Atelier du peintre. Allégorie Réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale (1855)

Rendez-vous compte: 361 cm de haut, 598 cm de large, 22 m2 de toile pour exposer son univers. Ça pose son sujet.

Véritable tableau-manifeste, Courbet propose à travers lui un « projection de soi-même immensément dilatée ». Rien que ça.

Cette toile, c’est une histoire qui se raconte. Celle du milieu du XIXe siècle et des mouvements qui l’ont traversé, celle de l’artiste et de son entourage. C’est un mille-feuilles labyrinthique aux entrées multiples. C'est un programme de destruction massive de la peinture académique.

Débutons l’exploration et ligotez-vous tout entier dans le fil d’Ariane. Vous risqueriez de vous perdre.

Pour commencer, au milieu, Courbet. En plein travail, il définit l’ordonnancement de la toile. Mais plus encore que le peintre lui-même, c'est la peinture en train de se faire qui en est le centre omnipotent: une mise en abyme dans les règles.

Reléguées en fond de scène, les anciennes croyances. Les attributs de la peinture romantique sont abandonnés sur le sol. Le modèle d'atelier n'intéresse plus le peintre. Le mannequin des nus académiques, cloué au piloris, doit laisser sa place à la nouvelle peinture: le Réalisme.

Car le paysage auquel Courbet apporte ses dernières touches est une allusion directe à Ornans, sa ville d'origine aux falaises si caractéristiques.

C’est donc autour de l’art moderne, érigé en nouvelle religion, que tout s’articule ici. Et qui détient le rôle principal dans ce remake de Jugement dernier? Courbet himself, Master of the Universe.

Et nous, spectateurs, sommes rendus solidaires de sa vision du monde, puisque sa droite et sa gauche correspondent aux nôtres. Nous voilà complices de sa mise en scène. Vous viendriez comme vous êtes que ça n’y changerait rien. Malin.

A sa gauche, les damnés, à sa droite, les élus.