One-Wave-Show
- Sergio
- 30 avr. 2020
- 2 min de lecture
Une vague s’apprête à nous balayer sans autre forme de procès et Gustave Courbet en est l’instigateur.
Le peintre a proposé maintes variation de ce « paysage de mer » dans les années 1869-1870. Il l’a représenté sous toutes les coutures et par tous les temps, certainement influencé dans ces choix de cadrage par les photographies de Gustave Le Gray (comme celle de La Grande vague, Sète, 1857). La mer en éternel mouvement s’incarne dans l’instantanée d’une vague. Flux et reflux.
Mais La Vague qui nous intéresse ici se distingue des autres.
Les couleurs sont assourdies. L’orage gronde au-dessus de nos têtes. Une petite trouée de ciel laisse passer un peu d’air. Juste assez pour ne pas étouffer.

C’est un monde sans âge et désert. Une mer violente et en colère nullement propice à la contemplation.
Car la vague menace.
Aucun détail pittoresque ne vient détourner notre attention de la déferlante. La mer n’est le décor d’aucun drame. Elle est au premier plan de la toile, son principal motif. Une promotion en bonne est due forme. C’est un seul en scène, un one-wave show.
Et ça, c’est novateur.
Sur d’autres toiles de la série, un rocher, une barque échouée ou un bateau au loin nous permettent de nous situer.
(Cliquez sur les détails pour découvrir les tableaux)
Dans notre Vague, le cadrage frontal et l’absence même de rivage finissent de gommer tous nos repères. Pas de point de fuite et pas de recul.
En l’absence de perspective, la ligne d’horizon coupe la toile en deux entités irréconciliables. Ciel et mer s’opposent. Loin de rendre son unité au paysage, l’horizon devient ligne de tension. Il empêche la vague de sortir du cadre. Il contraint les eaux furieuses, les condense.
Et nous sommes directement pris à partie par ce paysage en lutte. C’est une expérience physique à laquelle nous convoque Courbet. Car cette eau n’a rien de liquide. La peinture a été travaillée à la brosse et au couteau, en touches épaisses et bien grasses. Une vague pétrie dans la matière, minérale, presqu’abstraite. Le peintre a coupé une tranche d’océan et nous l’a offerte sur un plateau. Il a pris Jules Michelet au mot: « une mer de plomb et de plâtre » ( à propos d'une tempête, 1859).
Un corps-à-corps radical et novateur qui n’a pas fini de se jouer.
A mardi.
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