Portraits en série
- Sergio
- 5 mai 2020
- 2 min de lecture
Etrange familiarité de tous ces gens qui nous regardent.
Ne soyez pas timide, n’hésitez pas à les dévisager, ils ne vous en tiendront pas rigueur. Ils en ont vu d’autres, depuis le temps qu’ils existent…
Ces différents portraits, dit du Fayoum, ont été peints au cours des premiers siècles de notre ère. Entre le Ier et le IVe siècles après J.-C. pour être exacte. Ce qui explique les tuniques romaines ou les couronnes de lauriers: ces visages ont plus de 1500 ans à leur actif.
On jurerait pourtant qu’ils ont été peints au siècle dernier.
L’éclat au fond des pupilles, les cernes bleutées, l’ombre portée du nez : ils sont fascinants de réalisme. Autant d’individualités singularisées par leurs petites imperfections. C’est peut-être cela qui nous les rend si modernes. Comme un miroir tendu à travers les âges.
La plupart de ces visages ont été peints sur de fines planchettes de bois, à la détrempe (couleurs délayées dans l’eau et mélangées à de la résine ou du blanc d’oeuf) ou à l’encaustique (peinture à la cire héritée des Grecs). Appliquée en plusieurs couches, celle-ici permet des effets de texture, de volume et de transparence. Des portraits modelés à fleur de cire.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Ces visages millénaires vous semblaient animés de l’étincelle de vie ? Et bien sachez qu’il s’agit en réalité de portraits funéraires destinés à orner des momies égyptiennes. Vêtus de toge mais entourés de bandelettes, c’est à y perdre son latin. Un sacré mélange des genres!
Un grand nombre de ces portraits a été retrouvé à la fin du XIXe siècle dans des tombes du Fayoum, prospère oasis située au sud du Caire, à une centaine de kilomètres. Depuis les conquêtes d’Alexandre le Grand (IVe siècle avant J.-C.), l’Egypte est à la croisée de nombreuses cultures: grecque d’abord avec la dynastie des Ptolémée, puis romaine à partir de 30 avant J.-C, suite à la défaite de Cléopâtre. Devenue province romaine, l’Egypte brille par son cosmopolitisme. Les portrait du Fayoum témoignent de cette richesse multiculturelle. Ils nous invitent à la rencontre d’une population vêtue à la mode romaine, parlant grec mais suivant les rites funéraires égyptiens.
Si l’esthétique de ces portraits s’inscrit pleinement dans la tradition naturaliste grecque, l’usage religieux qui en est fait est totalement égyptien. Ils remplacent le masque funéraire qui symbolisait la renaissance dans l’au-delà. Les défunts du Fayoum ne sont pas représentés sous l’apparence idéalisée d’un dieu mais sous leurs propres traits. Des individualités pleines et entières venues du fond des âges.
A jeudi.
PS: Près de 1000 portraits du Fayoum sont exposés dans les musées du monde entier. Le Louvre en possède trois, que vous pouvez découvrir ici.
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