Rétine cramée
- Sergio
- 23 avr. 2020
- 2 min de lecture
C’est beau n’est-ce pas.
De la lumière à l’état pur.
C’est Joseph Mallord William Turner (1775-1851) qui l’a peint en 1828 puis retouché en 1837.
Il est vrai que l’on pourrait y voir un pastiche des vues portuaires de Claude Gellée, dit Le Lorrain, peintre français du XVIIe siècle qu’admire Turner. Un hommage peut-être, tant la ressemblance est troublante: même composition, même éclat au loin. Un véritable paysage "idéal" dont Le Lorrain s'était fait le champion. Et Turner n'en est pas à son coup d'essai. Ne serait-il qu'un pâle imitateur?
Oui. Mais non.
L’histoire qui se cache derrière Regulus est déjà plus sordide. Turner s’inspire ici de la tragique destinée de Marcus Atilius Regulus, héroïque général romain dont les Catharginois coupèrent les paupières avant de l’exposer face au soleil. Jusqu’à l’aveuglement.
Mais inutile de chercher Regulus au premier plan du tableau. Vous ne le trouverez pas.
Car Regulus, c’est vous.
Turner peint le point de vue du supplicié, son éblouissement. Le soleil incandescent inonde toute la toile. Il en est le véritable sujet. Les personnages disparaissent, le port se dissout. C’est un calcination générale du paysage. Notre oeil en grésillerait presque. Un dernier éclat blanc avant que tout ne s’éteigne. Rétine cramée.

L’artiste est celui qui ose regarder le soleil en face. Avec Regulus, Turner peint l’aveuglement de l’oeil physique, celui qu’il faut dépasser pour atteindre la vision métaphysique. C'est l'histoire d'Icare, mais sans la chute.
Il s’extrait du carcan académique en proposant un nouveau traitement de la lumière et de la couleur. L'atmosphère devient le vrai sujet du tableau. Ces dernières oeuvres, d'une très grande liberté plastique, ne sont d'ailleurs qu'éblouissement. De la lumière à l'état pur.
A mardi.
Teaser: A mort !
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