Le jour du Jugement - Acte II
- Sergio
- 1 avr. 2020
- 2 min de lecture
Poursuivons l'exploration de l'Atelier de Courbet.
A gauche du Christ-Courbet, « la vie triviale, le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploités, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort » selon les mots de l’artiste. Bonne ambiance de ce côté de la toile.
Les personnages se succèdent, chacun représentant un type social bien particulier.
Tout à gauche, le juif, bien accroché à sa caissette. Reprenant à son compte les clichés antisémites de son temps, Courbet dénonce la spéculation qui va grand train depuis le début des travaux d’Haussmann deux ans plus tôt (1853). De là à y voir aussi une incrimination de la Bourse et de ses liens avec le pouvoir, il n’y a qu’un pas que vous pouvez franchir.
Puis vient le curé, et donc l’Eglise, dont l’alliance avec le pouvoir malgré le coup d’Etat de Napoléon III en 1852 ne fut pas du goût de tout le monde.
L'homme légèrement courbé à côté représente les Républicains de 1793 et leur idéal enterré depuis l’échec de la Révolution de 1848.

Puis se serre au fond de l’atelier tout un ensemble d’archétypes reconnaissables à leurs accessoires, comme au théâtre: le chasseur et son fusil, le paysan et sa faux, le saltimbanque et son chapeau à plume, le marchand d’habit, un couple d’ouvriers inactifs, le fossoyeur et la mendiante allaitant son enfant, figure tragique de la misère.
Et pour compéter ce triste tableau, le crâne posé sur un journal froissé, Memento Mori moderne, est une allusion à peine déguisée à la fin de la liberté de la presse sous le Second Empire. Par crainte de représailles, les journalistes pratiquent désormais l’autocensure. Ou gare au croque-mort qui rôde.

Exploiteurs (le pouvoir, l’argent, l’Eglise), entre-deux (ceux qui font de l’argent de tout : du rire, de la mort, de la détresse) et exploités (ouvriers, paysans, mendiants, femmes) se côtoient donc. Galerie de stéréotypes d'une sinistre comédie humaine.
Un personnage a pour le moment été laissé de côté, il occupe pourtant le devant de la scène. Il a donc une importance particulière. Il s’agit d’un braconnier. Un braconnier aux belles moustaches, qui ne sont pas sans rappeler celles d’un certain empereur qui aurait lui-même « braconné » le pouvoir en 1852... Mais gardez-vous d’une telle pensée, ce serait un crime de lèse-majesté. Et c’est bien pour cela que Courbet ne le mentionne jamais.
La prochaine fois, nous irons voir de l'autre côté de la toile. L'herbe y est définitivement plus verte.
A vendredi.
Teaser: Acte III
PS: pour le replay de l'Acte I, c'est par ici.
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